mardi 23 février 2016

Et c'est reparti pour un tour!




Ci-dessus illustré par une jolie photo d'un gribouilli récemment réalisé, voici donc un premier jet d'une introduction à un possible deuxième bouquin...

Ces derniers temps, je n’ai jamais vu autant d’horreurs, de pièces laides orner les peaux de mes contemporains.

Aux temps bénis de mes débuts dans la profession, débuts relatés dans un ouvrage de haute tenue dont je te recommande la lecture si ce n’est déjà fait et publié sous une couverture luxueuse chez un éditeur de renom que je salue au passage, les choses étaient simples : il n’y avait que très peu de tatoueurs.

Hors, quelques rares princes de l’aiguille dont les services se monnayaient fort cher, tous les tatoueurs avaient plus ou moins le même niveau, lequel, il faut bien le dire, n’était pas extraordinaire.

Puis, sous la pression, comme toujours en pareilles circonstances, de la loi de l’offre et de la demande, les choses bougèrent, le nombre de tatoueurs augmentât, et les différences de niveau entre les tatoueurs apparurent. C’était facile : il y avait les bons, qui étaient connus, et les moins bons, qui l’étaient aussi. Chacun, en fonction du professionnel auquel il s’adressait, savait ce qu’il achetait. Tout était donc, relativement, simple !

La pratique de chacun progressant, je ne vis jamais autant de belles pièces que dans les années 2010, c’était une sorte d’âge d’or, lequel, par définition (ou fatalité, c’est comme tu veux) ne devait pas durer. Les cinq dernières années virent une véritable explosion, les studios de tatouage poussent comme des champignons, le meilleur côtoyant le pire, et de véritables monstruosités s’étalent maintenant au grand jour sur les épidermes malmenés.

Mais les différences de niveaux entre les tatoueurs suffisent-elles à expliquer cet état de fait ?

Comment s’y retrouver ?


Comment se fait-il que tel client potentiel, se rendant chez un tatoueur de bonne renommée avec une idée bien précise et un portefeuille correctement garni en ressorte moins d’un quart d’heure plus tard, furieux et traitant le susdit tatoueur de noms d’oiseaux que même moi je n’ose le reproduire ici ? Et que ce même client se rende ensuite chez le premier égratineur de couenne venu pour se payer, fort cher, un gribouillis digne d’un enfant demeuré et alcoolique de quatre ans ?

Comment se fait-il que, dans le même temps, un horrible pue-la-sueur, grossier comme un merle et fauché comme les blés s’offre, pour une somme ridicule, une manchette traditionnelle japonaise façon yakusa à la beauté à couper le souffle, réalisée, de surcroît, non par un grand maître, mais par un obscur tatoueur résidant dans le bled improbable d’une province plus improbable encore ?

Ma consœur Emilie "la perla", tatoueuse de grand talent et de caractère (je connais un pit-bull complètement traumatisé depuis le jour où il a failli se faire mordre par Emilie parce qu’il s’était oublié sur le trottoir en face de chez elle. Depuis ce jour, la pauvre bête -le chien, pas Emilie- est sous calmants) résume la chose à l’aide d’une formule aussi lapidaire que définitive : "chacun a les tatouages qu’il mérite !".

Globalement, c’est exact, mais un peu réducteur, et nous allons (toi et moi) tenter d’y voir un peu plus clair au long des lignes qui suivent.

En effet, un bon tatouage n’est pas seulement l’œuvre du tatoueur, ou le choix du client, ce serait trop simple, c’est en réalité le fruit d’une étroite collaboration entre les deux.

C’est trop facile de résumer le problème à « ce tatoueur est incompétent » (c’est parfois exact) ou à "ce client est un blaireau" (tout aussi exact) !

Et c’est pour ça, lecteur, que le tatoueur n’est pas un commerçant comme les autres, quoiqu’en disent les contrôleurs fiscaux et les inspecteurs de la TVA, qui aiment fouiner à l’aide de leurs grands nez jaunes dans les arides règlements administratifs afin de réduire les artistes de l’aiguille à de simples fonctions contribuables.

Je m’explique : quand tu vas t’acheter une paire de godasses (ce n’est qu’un exemple, hein, j’ai infiniment de respect pour les marchands de chaussures), tu te rends chez le commerçant adéquat, appliquant éventuellement l’infâme maxime "le client est roi", tu lui fais déballer deux ou trois paires de pompes, et à l’issue, tu paies le prix et tu te casses d’un pas ferme et décidé, en arborant aux nougats tes écrases-merdes nouvellement acquis. A aucun moment tu n’as envisagé de demander à ce commerçant d’investir un peu de lui-même dans tes croquenots, n’est-ce pas ? Et lui, si tu es ridicule avec ta paire de chaussures de clown jaune canari sur un pantalon pied-de-poule, il s’en tamponne le coquillard, à la limite, ça le fait marrer !

Et c’est en ça qu’un tatoueur est différent !


Le tatoueur devrait éclairer tes choix de ses conseils, avant d’attaquer la réalisation, même si, truffe comme je te connais, ses conseils, tu n’as pas vraiment envie de les entendre. Enfin si, tu as envie, mais seulement s’ils vont dans le sens de ce que tu veux entendre, parce que tu es du genre "quand j’ai une idée dans la caboche, je m’y cramponne comme un morpion à son poil", les conseils, point trop n’en faut !

C’est donc reparti pour un tour, pour quelques pages fourmillant d’anecdotes croustillantes, de conseils gratuits (pour la très modeste somme que tu as déboursée pour cet ouvrage, c’est comme si c’était gratos), de taillage de costards (si tu as lu mon précédent bouquin, tu as l’habitude), de ricanements sur le dos des cons et des connes (les nanas vont y avoir droit aussi, l’égalité des sexes étant ce qu’elle est) et de phrases enlevées dans un style argotique-comique qui feront, j’ose l’espérer, tes délices.

De plus, dans l’éventualité où tu souhaiterais te faire encrer la couenne, ça devrait, et c’est le but, illuminer ta route et éclairer ta réflexion tel l’arc de triomphe un 14 juillet.